Comprendre le jaunissement d’une sculpture en cire : étude scientifique d’une œuvre contemporaine

Quel est le contexte de l'intervention sur une œuvre en cire monumentale ?

En juin, OSE Services est intervenu dans les réserves du Musée d’Art Contemporain de Lyon, sur une œuvre monumentale en cire (env. 2,35 x 4 m). Cette sculpture, moulée dans les années 2000. Elle présentait un jaunissement hétérogène à sa surface, particulièrement visible en zones saillantes et autour des personnages. La mission confiée à OSE Services consistait à déterminer la nature chimique de la cire utilisée, à identifier l’origine du jaunissement, et à fournir des pistes pour adapter la formulation des futurs moulages, notamment en évitant la réapparition de cette altération.

Comment s’est déroulée l’étude sur site ?

Une analyse FTIR (spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier) a été réalisée in situ sur différentes zones de l’œuvre. Des prélèvements ciblés ont ensuite été effectués :

• Zones de référence : cire non jaunie (Éch. I), mousse polyuréthane de calage (Éch. III), alliage métallique (Éch. VI).

• Zones altérées : teinte jaune citron intense (Éch. II et VII), jaunissement plus diffus (Éch. IV et V).

Ces échantillons ont ensuite été transférés au laboratoire pour des analyses approfondies (FTIR, GC-MS, MEB-EDX) et une mesure du point de fusion de la cire.

Quelle est la nature de la cire d’origine ?

L’analyse croisée par FTIR et GC-MS a confirmé que la cire est une paraffine moyenne à dure, composée majoritairement de chaînes linéaires C19–C37 (≈ 98 %), avec une coupe légère C12–C18 et environ 0,2 % de BHT (Butylated HydroxyToluene), un antioxydant couramment utilisé dans les formulations industrielles.

Ce type de cire, bien que chimiquement stable, peut présenter un vieillissement oxydatif lent, visible sous forme de voile jaune terne après des années d’exposition à la lumière ou à l’oxygène.

D’où provient le jaunissement vif dit « jaune citron » ?

C’est ici que l’analyse a révélé une information inattendue. Les zones « jaune citron » n’ont pas le même profil que les zones simplement vieillies :

• Le spectre FTIR de ces zones montre des bandes caractéristiques amide I (1660 cm⁻¹) et amide II (1625 cm⁻¹), absentes dans la cire saine.

• Un signal d’insaturation (~965 cm⁻¹), couplé à une solubilité partielle dans l’acétone, désigne un amide conjugué migré à la surface.

Quelle est l’origine de cet amide jaune ?

L’analyse comparative avec la mousse polyuréthane de calage a montré la même signature spectrale. L’hypothèse la plus probable est donc la migration d’un agent de démoulage technique – type érucylamide, dérivé oxydé d’un amide gras – ou d’un résidu aromatique issu de la mousse PUR à base de MDI (méthylène diphényl diisocyanate).

Cette contamination a réagi ou s’est oxydée en surface, formant un chromophore stable à l’origine de la coloration jaune vive partiellement extractible.

Quelles sont les conséquences pour la conservation et la création future ?

L’étude démontre que le matériau de base (la cire paraffinique) reste conforme aux standards de stabilité. En revanche, le choix des mousses de calage ou des additifs techniques (moules, agents démoulants, etc.) peut induire, même à long terme, des phénomènes de migration et d’altération.

Plusieurs actions sont recommandées :

• Choisir des matériaux de stockage neutres et sans additifs susceptibles de migrer.

• Adapter les formulations de cire pour les futurs tirages, en réduisant les risques d’interactions avec les supports de moulage.

• Réaliser un screening systématique des additifs présents dans les composants adjacents (PUR, résines, moules silicone…).

• Intégrer dans les bonnes pratiques un contrôle de vieillissement accéléré (UV, humidité) sur les échantillons de formulation.

Pourquoi faire appel à un laboratoire spécialisé dans les matériaux du patrimoine ?

Les altérations observées sur cette œuvre mettent en évidence l’intérêt crucial d’un laboratoire d’analyses des œuvres d’art, capable de mobiliser une expertise en chimie, matériaux et spectroscopie appliquée :

• Analyse chimique de peinture ou de cire,

• Identification de produits de migration,

• Étude de formulation cire pour moulage artistique,

• Analyses FTIR, GC-MS, MEB-EDX, adaptées aux œuvres d’art,

• Interventions in situ et prélèvements maîtrisés.

Quels sont les services d'OSE Services dans l'étude des Oeuvres d'Art ?

OSE Art est une entité d'OSE Services dédiée à l'étude des Oeuvres d'art. OSE Art c'est : 

• Un Laboratoire analyses œuvres d’art in-situ

• Des ingénieurs spécialisés dans les Analyses chimiques de peinture

• Des Études de formulation complète comme ici : cire; Altération cire sculpture; Migration mousse polyuréthane

• Des Analyses FTIR in-situ dédiée au patrimoine avec une base de données interne de plus de 25000 spectres de référence;

• Des études de recherche sur les modes de vieillissement des matériaux contemporains

• Des études approfondies et spécialisées en Conservation-restauration des oeuvres contemporaines

En conclusion : une démarche scientifique au service de la mémoire

L’analyse de l’œuvre illustre la complexité des interactions chimiques dans les œuvres contemporaines. OSE Services a mis en évidence une origine exogène au jaunissement intense, démontrant l’impact possible d’éléments périphériques comme la mousse de calage.

Cette étude contribue non seulement à adapter les pratiques de conservation, mais aussi à guider les artistes dans le choix des matériaux pour de futures créations. Entre analyse rigoureuse, expertise technique et respect de l’intention artistique, OSE Services continue de faire dialoguer science et patrimoine.